2.2 - Quelques questions-clés avant une réalisation
Reconstitution: charrois près d'un vieux pont avec ancien octroi. (Parc du Peak District, G.B)
Sur un sentier d'interprétation. (Mas du pont de Rousty, Parc naturel régional de Camargue).
Aire autoroutière, exposition archéologique de plein air avec série de panneaux-lutrin pour la lecture du paysage. (près de Massiac, Cantal)
Présentation des points d'intérêt à visiter dans la commune. Entrée de l'enclos de la Maison de la Pomme à Ste-Opportune-IaMare. (Parc naturel régional de Brotonne)
Panneaux d'interprétation sur une aire de stationnement. (Parc national de Shenandoah, USA)
Intégration de panneaux d'interprétation à un point de vue aménagé en bordure de route. (Parc national de la Mauricie, Québec)
Un travail d'interprétation correct sur un site implique de répondre à ces questions primordiales.
Pour quoi et pour qui veut-on interpréter un site ?
Ces deux questions sont en effet étroitement liées.
La principale motivation d'un projet doit être la satisfaction des visiteurs, en leur permettant de tirer plus de profit et plus d'agrément de leur visite. Cela n'interdit pas à l'organisateur d'avoir des objectifs particuliers, par exemple: obtenir la bienveillance et le soutien des visiteurs à l'égard de son action ou faire comprendre au public les raisons d'être d'interdictions, d'actions ou d'aménagements destinés à la protection et à la bonne gestion du site
Cependant, dans tous les cas, la mise en oeuvre d'une signalétique d'interprétation permanente, sous la forme d'une aire, d'un sentier ou d'un circuit d'interprétation, n'est justifiée que si le site reçoit un public suffisamment important, de plusieurs dizaines de milliers de visiteurs par an, pour donner un ordre de grandeur.
Bien entendu, si des aménagements (ouverture de sentier, création de meilleures conditions d'accès) sont susceptibles d'améliorer les conditions de visite du site sans nuire à sa protection et à sa qualité, on prendra en compte le niveau de la fréquentation potentielle.
Y-a-t'il une incidence de l'interprétation sur la fréquentation des sites ?
La réponse qui peut être donnée à cette question-clé est, bien entendu, relative et nuancée. Aucune étude précise, à notre connaissance, n'a été effectuée en France sur cette question. Cependant, les observations informelles qui ont été faites dans des contextes divers permettent de formuler des constatations corroborant d'ailleurs ce que le bon sens suggère.
Si le site n'offre pas en lui-même un attrait et un intérêt potentiel fort (par sa qualité esthétique ou spectaculaire, par sa notoriété, par sa richesse en sujets d'interprétation), la mise en place d'une interprétation, surtout si elle est limitée à des moyens signalétiques, ne suffit pas à générer une fréquentation substantielle.
Reste une raison publicitaire ou politique pour l'organisme qui aménage le site : « J'aménage, donc je suis », motivation peut être discutable, mais très répandue. Et, si la réalisation est de qualité, pourquoi pas ? Si, par contre, le site est attractif par ses qualités propres, un bon programme d'interprétation peut très sensiblement accroître sa fréquentation. Mais il peut aussi permettre d'agir sur cette fréquentation de deux manières :
• Mécaniquement, en attirant les visiteurs vers certaines places ou en les canalisant le long de certains itinéraires.
• Qualitativement, en influençant l'attention et la considération des visiteurs à l'égard du site. La mise en place d'un programme d'interprétation peut donc être un outil efficace pour mieux gérer la fréquentation d'un site.
Que faut-il interpréter ?
L'interprétation doit porter sur ce qui est spécifique au site.
Les visiteurs ne comprennent pas qu'on leur présente des informations ou des concepts qui ne soient pas fortement reliés aux caractéristiques du site ou à son histoire. Ils sont venus à cause de leur intérêt pour ce site ou, tout au moins, c'est le lieu où il se trouve qui retient pour l'heure leur attention. Ils seront peu intéressés par des informations qui pourraient tout aussi bien leur être présentées ailleurs.
La spécificité du site est faite de ces caractéristiques (physiques, géologiques, végétales, architecturales) mais aussi, bien sûr, de données culturelles (histoires connues, mythes et légendes).
Quelquefois, cette spécificité se marque dans des aspects spectaculaires et évidents qui déterminent presque inévitablement le sujet de l' interprétation.
Dans d'autre cas, il n'y a rien de spectaculaire mais la spécificité du site n'en est pas moins forte, par exemple: les paysages de "milieux humides" (marécages, tourbière).
Comment ?
L'unité et la cohérence thématique dans les propos sont aussi nécessaires que l'un ité dans le design et le graphisme.
Un "pot pourri" d'informations sur les sujets les plus divers sème la confusion dans l'esprit des visiteurs, brouille leur perception du site et, en définitive, les rebute.
Le thème doit être en relation avec les spécificités du site. Il vise à dégager l'une de ses significations essentielles, d'un point de vue écologique, d'un point de vue historique, de la signalétique 19 dans la relation de l'homme et de la nature. Le thème principal peut être décomposé, si besoin est, en plusieurs sous thèmes.
Ne pas oublier la population locale
Pour l'enrichissement des projets, pour leur meilleure acceptation et une meilleure prise en charge de leur entretien :
• en faisant appel aux connaissances des érudits locaux, à l'expérience vécue des gens du crû, aux traditions orales.
• en impliquant, si le contexte s'y prête, un petit nombre de personnes dans un comité de pilotage, les intérêts éventuellement concernés (chasseurs, agriculteurs, associations), les personnesressources.
Dès le début du projet, les informer sur les objectifs et les options, leur demander leur avis sur les points intéressants du site et sur les thèmes appropriés.
Où ?
un impératif absolu le respect des sites
Les panneaux constituent des corps étrangers dans la nature. Ils participent à son artificialisation. Sur des sites présentant d'autres intérêts (historique, culturel, ethnologique, etc.), ils peuvent également présenter des dangers.
Leur présence peut avoir un inconvénient physique, en altérant le caractère du site, son aspect esthétique. Mais il peut aussi avoir un inconvénient psychologique en suscitant l'agacement ou même l'hostilité de certains visiteurs ou d'une partie du public, le public local par exemple. Si tel est le cas, les risques de vandalisme sur le mobilier s'en trouveront fortement accrus.
La signalétique d'interprétation doit donc être maniée avec beaucoup de prudence pour ne pas donner raison à l'adage: "l'enfer est pavé de bonnes intentions".
En règle générale, plus le caractère d'un site est sauvage eVou solitaire et moins le recours à ce média est indiqué (en haute montagne par exemple).
Il est plus facile et moins risqué de l'utiliser sur des sites faisant déjà l'objet d'une fréquentation touristique ou récréative.
Autrement dit, en des lieux ayant déjà, ou pouvant avoir en quelque sorte, un "statut" touristique. Dans ce cas, l'aménagement et l'utilisation judicieuse d'une signalétique d'interprétation peuvent induire, chez la plupart des visiteurs, un comportement plus respectueux du site en conférant au lieu un label nouveau de qualité.
Dans la pratique, la localisation des panneaux d'interprétation est assujettie à deux contraintes qui peuvent se contrarier l'une l'autre. Pour une interprétation efficace, la localisation idéale est celle qui permet de mettre le visiteur en contact proche avec les éléments du site ou avec les phénomènes, sujets de l'interprétation. D'autre part, il faut protéger le site de cette fréquentation, exemple: la Vallée des Merveilles où la visite guidée (surveillée) devient obligatoire.
Pour une saine gestion du site, il s'agit avant tout d'orienter les visiteurs vers les emplacements les plus propices pour les accueillir en nombre, là où les risque d'impacts négatifs sur l'environnement sont les plus faibles.
La solution se trouve dans une conception globale de l'aménagement, intégrant les équipements d'interprétation et les autres réalisations nécessaires à un bon accueil du public.
La sécurité du public est un autre impératif, particulièrement important pour les dispositifs placés en bordure des routes ou sur des points de vue en surplomb.